Comment anticiper les désordres acoustiques ? Bruit du vent dans les éléments de façades, brises soleils, tôles perforées d’occultation…

Samuel Tochon-Danguy 

Directeur LASA Ingénierie acoustique.

Partout présent dans notre quotidien et notre environnement, au point de n’être qu’un bruit de fond auquel nous ne prêtons plus attention, le bruit est pourtant l’une des principales sources de nuisance. Surtout si celui-ci est récurent, dans une fréquence particulière, ou dans un bâtiment par exemple… Architectes et ingénieurs ont alors fort à faire pour remédier à ces désordres ou les éviter.
Des architectures et des façades de plus en plus complexes. Grandes hauteurs, revêtements de façades complexes, avec perforations ou brises soleils verticaux et horizontaux… les bâtiments présentent de plus en plus de formes et « textures » variées, qui sous l’effet du vent peuvent être génératrices de bruits, de vibrations, et de désagréments pour les utilisateurs et les riverains


Pour pouvoir anticiper les phénomènes et apporter des réponses adaptées aux questions qui se posent en phase conception des projets, LASA a engagé depuis plusieurs années des travaux de R&D incluant de nombreuses études et instrumentations, concernant le bruit généré par le vent dans les éléments de façade. « Il faut distinguer le bruit large bande classique du vent, les bruits singuliers d’origine aérodynamique, les bruits solidiens, dus aux vibrations, et encore les bruits de résonance », a expliqué Samuel Tochon-Dangy lors de sa présentation.
Les problématiques peuvent notamment être dues aux excroissances des façades, comme les coiffes, qui accentuent les phénomènes de turbulence des vents, les arches ou ponts reliant des bâtiments entre eux, ou les fameux brises soleil, longues lames habillant les façades, mais aussi aux perforations des tôles d’habillage ou occultation, parfois de l’ordre du demi centimètre, qui peuvent engendrer un effet de « flute » dans de hautes fréquences.
Cas d’école, la Beetham Tower à Manchester : haute de 157 mètres, elle est coiffée de lames fines de 14 mètres de hauteur, qui viennent en prolongation du maillage métallique de la façade. Exposée sud sud-est, avec un vent du sud généralement stable, selon la puissance du vent, la Beetham Tower se transforme en instrument de musique, avec des pics enregistrés à 90 dB / 500 Hz !

À Marseille sur le campus Luminy, dans le cadre de la rénovation d’un bâtiment avec Linkcity et SCAU Architectes, les inquiétudes formulées par le client dès la phase concours ont amené LASA à analyser les possibles impacts du vent. Le projet prévoyait notamment l’ajout de lames brise soleil de 3,2 mètres de hauteur et 70 cm de profondeur, implantées à 75 cm de la façade. Des analyses et modélisations ont été réalisées par LASA en phase conception, avec différentes vitesses de vent allant de 50 km/h (très fréquent à Marseille) et jusqu’à de situations d’accélération en toiture à plus de 200 km/h.
Cela a permis d’étudier l’influence de la géométrie des lames, leur positionnement, inclinaison et éloignement de la façade, sur la génération de bruit aéro-acoustique lors de Mistral et d’orienter le design de l’ensemble. En l’occurrence, suite à ces analyses et recommandations « un bruit plutôt large bande, donc ne provoquant pas d’inconfort », a rassuré Samuel Tochon-Danguy. Une instrumentation avec capteurs acoustiques et vibratoires sur un témoin de façade réalisé sur site en phase travaux a par la suite permis de confirmer ces conclusions, avant le déploiement sur l’intégralité du bâtiment.
Vent autour des bâtiments et design
Autre problématique clef à prendre en compte, le positionnement du bâtiment et son environnement urbain ou naturel. On a alors des situations extrêmement complexes de comportement du vent, avec des effets de trous sous immeubles, pour ceux construits sur pilotis par exemple, des effets de sillage, des effets de barres, ou d’effet venturi…
Les modélisations numériques ou études paramétriques réalisées par LASA permettent de modéliser de nombreux facteurs, et d’appréhender les risques en amont, comme le bruit tonal (tôles perforées et diamètres des perforations, lames), les fréquences et les plages d’amplitudes, au sein de l’environnement.
Le design des éléments est primordial, tout comme leur périodicité, leur implantation, etc. On le voit, en matière de bruit du au vent, le Diable se cache dans les détails !

 

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Prochaine formation le 12 Octobre prochain